“Si vous avez peur, ça tombe bien. Parce que juste après le peur, il y a le courage. » – Julia Faure
La métamorphose écologique est un chantier colossal. On ne peut pas la mener en sprints, mais en marathons. Cette idée de constance est un fil rouge qui a traversé les Universités d’Été de l’Économie de Demain 2025 du Mouvement Impact France, où Marie et Raphaël ont eu l’occasion de confronter leurs pensées à celles de grands acteurs de la finance et de l’économie.
La constance dans nos efforts, nos politiques et nos investissements n’est pas une option, mais une condition sine qua non pour la réussite.
Comme l’a résumé Emmanuelle Wargon, ancienne ministre et présidente de la CRE, les grands chantiers de la transition énergétique demandent du temps et de la persévérance. C’est une période longue où le retour sur investissement ne s’observe qu’à moyen et long terme. C’est précisément dans ces moments que les détracteurs et les forces du « backlash » se manifestent, cherchant à « détricoter et fragiliser » les avancées. Face à cela, il est impératif de garder le cap.
De notre point de vue, il y a un problème de sémantique. Si les grands chantiers supposent parfois de s’inscrire dans le temps long, la constance ne peut être érigée en dogme car s’obstiner quand la voie que l’on empreinte n’est pas bonne, c’est purement de la sottise.
Errare humanum est, perseverare diabolicum » est une locution latine qui signifie « L’erreur est humaine, persévérer [dans son erreur] est diabolique ».
La constance, une force face aux défis
Face à l’urgence climatique, il est facile de céder à l’impatience ou à la tentation de solutions miracles. Mais les UED ont rappelé que la vraie force réside dans la stabilité et la vision à long terme.
Entre pressions politiques et économiques qui veulent ralentir la cadence, la clé reste la cohérence des lois, des normes et des stratégies. La Chine l’a compris : miser sur le temps long pour sa transition écologique. Une stabilité qui met en lumière les hésitations occidentales.
La persévérance est d’autant plus vitale que le retour sur investissement des actions de transition n’est pas immédiat. C’est ce qu’a souligné Gwenola Chambon de Vauban Infrastructure Partners, expliquant que le changement climatique et la raréfaction des ressources exigent des investissements sur 25 ans. Miser sur l’avenir, c’est accepter d’attendre et de croire, sans vaciller, en la force de la cause.
La performance intégrée, un allié indispensable de la transformation ?
Historiquement, finance et durabilité ont souvent été perçues comme deux mondes parallèles. Les UED 2025 ont montré qu’elles sont désormais indissociables.
La performance globale d’une entreprise inclut désormais ses dimensions financières, sociales et environnementales. On parle de performance intégrée. C’est une réalité pour les entreprises à mission et pour des groupes comme le Crédit Mutuel, dont le président, Daniel Baal, a déclaré que « la finance saine doit se faire sur le temps long ». Son rôle ? Accompagner l’économie réelle, celle qui produit de la valeur partagée à long terme.
Pour Stéphanie Dupuy-Lyon (Groupe La Poste), la performance n’est pas une fin en soi. Elle est au service d’une vision. “On est en train de créer un nouveau langage de performance globale. Nos reporting sont aussi extra-financiers et ils se font tous les 6 mois.”
Chez 22EME SIECLE, nous venons d’interviewer Olivier Hamant. Nous le rejoignons sur le fait que ce culte de la performance qui irrigue nos entreprises n’est pas adapté au monde fluctuant et sous le joug des polycrises. La performance, qu’elle soit intégrée ou non, use, détruit, conduit à l’erreur et le plus souvent accélère la faillite, nuit à la santé mentale, délite notre société du bien vivre. Pour autant, la performance joue un rôle important quand il s’agit de faire un sprint mesuré dans un temps court.
Nous aurions besoin de prendre le temps plus que d’être constant. Un temps pour imaginer quelles sont nos prochaines étapes. Là, nous sortons d’une période stable. Et les premiers jalons posés en RSE ont été les plus faciles. Cédric Ringenbach (Fresque du Climat & Blue Choice) le résume très bien : “On a épuisé tous les gisements rentables depuis 3 ans. Par exemple : l’isolation des passoires thermiques. Maintenant, au regard du marché carbone, il va falloir faire des choix (des paris) sur l’avenir”.
“Je ne crois pas aux engagements volontaires et coûteux des entreprises”. – Cédric Ringenbach
Nul doute que si chez 22EME SIECLE, nous croyons aux super-pouvoirs des entreprises, le pouvoir régulateur du politique est essentiel.
Freins et leviers pour une finance durable
La planification écologique est une question d’investissement massif dans l’énergie renouvelable, les transports bas-carbone, la biodiversité et l’isolation des bâtiments. Des projets qui peuvent sembler lointains, mais qui sont pourtant rentables. Jérôme Delmas de SWEN Capital Partners en a apporté la preuve avec des exemples concrets : le Fonds BlueOcean, dédié à la régénération des océans, a déjà remboursé un quart de ses investissements tout en restaurant la biodiversité. Même constat pour le Fonds Terra qui soutient l’agriculture durable. Il n’y a pas d’effondrement de la rentabilité, au contraire. C’est une bonne nouvelle.
L’enjeu est désormais de mobiliser l’épargne pour ces projets. Dorothée Rouzet de la Direction générale du Trésor a plaidé pour « une clarification des produits financiers durables » afin de rassurer les épargnants sur la rentabilité de leurs investissements à impact. Il s’agit de les orienter et de les inciter vers des placements vertueux, plutôt que de les y contraindre par un excès de normes.
Tout n’est pas gagné. Comme l’a noté Christel Heydemann (Orange), certains investisseurs lèvent le pied sur le long terme, freinés par des règles jugées trop lourdes, type CSRD. Une alerte claire : sans équilibre entre contrainte et incitation, l’investissement durable risque de caler.
Des leviers existent déjà. Le modèle de l’entreprise à mission illustre la capacité à concilier viabilité économique et transformation environnementale. Le Crédit Mutuel en donne un exemple concret : avec son “dividende sociétal”, 15 % des bénéfices sont dédiés à des projets d’intérêt général, participant à un retour sur investissement à long terme.
Le courage d’agir avec constance
La conclusion des UED 2025 a été claire : l’heure n’est pas au recul.
« Il faut affronter le réel », a insisté Pascal Demurger, co-président du Mouvement Impact France, en appelant à ne pas céder sur des initiatives stratégiques comme le Green Deal ou le devoir de vigilance. Les défis sont immenses, mais le courage d’agir avec constance fait parti du package de réponses valables.
Pour affirmer notre souveraineté et rendre plus solide notre modèle économique, l’écologie apparaît comme une opportunité pour l’Union Européenne ; c’est le moyen d’affirmer notre singularité face aux impérialismes qui se forgent.
Dominique De Villepin (La France Humaniste) conclut en posant l’idée de l’économie de la paix : est ce que toutes les décisions qu’on prend (en entreprise, chez soi) vont permettre à nos enfants de bien vivre ?
Paloma Moritz (Blast) a le mot de la fin de cette plénière. Elle invite à plus de régulations pour éviter la dissémination de polluants éternels, la toute puissance des lobbys industriels. Elle milite pour une plus grande démocratie de décision en se fondant sur l’exemple des Conseils des Territoires, et la Convention pour le Climat, elle rappelle que nous disposons d’idées fortes comme l’économie du donut.
Bref, il nous faut de la constance pour répondre avec courage aux enjeux de notre siècle.
Pour conclure cette édition des UED, les réseaux sont montés sur scène pour montrer que l’alliance est en cours ; ça fait du bien !
Le micro à circulé pour conclure cette journée. Les propos de Mathieu Hetzer, président du CDJ ont fait mouche auprès de l’assemblée :
Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort.
Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port,
Autour du Mouvement Impact France
Nous avons aujourd’hui une véritable chance :
Plus nombreux, plus de poids,
En unissant nos voix,
Poussés par notre foi,
Nous deviendrons un nouveau choix.
Alors je vous l’accorde, certains nous pensent une goutte d’eau
Et je vais arrêter les rimes, avant celle de trop.
Oui, certains pensent que nous sommes peut-être une goutte d’eau…
Mais quitte à être pris pour une goutte d’eau,
Nous serons celle qui fera déborder le vase !