Nous avons rencontré François Guérin, PDG de CETIH, un leader français dans la conception et la fabrication de portes d’entrée et de fenêtres. Honoré du prix d’entrepreneur de l’année 2023, François Guérin incarne une vision de l’industrie qui concilie robustesse économique et engagement sociétal et environnemental.
Cette interview s’inscrit dans notre série éditoriale « Les Super-Pouvoirs des Entreprises », visant à inspirer les dirigeants qui réinventent leur modèle.
L’ADN d‘un engagement : de la graine à l’entreprise à mission
L’engagement de François Guérin pour la durabilité et la solidarité n’est pas un virage opportuniste, mais une conviction profonde, une « graine » cultivée depuis l’école d’ingénieur, où il a cofondé le deuxième centre d’Ingénieur sans frontière. Après 20 ans passés dans l’industrie automobile , il a rejoint CETIH avec l’ambition de porter ces valeurs au cœur d’une entreprise.
Comme pour chaque épisode de la série « Les Super-Pouvoirs des Entreprises », nous immortalisons nos héros avec une carte collector unique. Voici celle de François Guérin, symbole de son engagement pour une industrie responsable et performante, à conserver précieusement dans votre panthéon des super-pouvoirs entrepreneuriaux.
Les deux actes stratégiques de la transformation
La bascule vers un modèle durable et responsable s’est construite en deux étapes importantes :
- 2009 : Structuration de la démarche RSE. C’est le lancement et la structuration d’une démarche RSE collective et concrète, pilotée sur 12 ans grâce à une matrice d’indicateurs.
- 2021 : Bascule en entreprise à mission. Un engagement rendu statutaire, soutenu par une refonte de l’actionnariat. Désormais, un tiers du capital est détenu par les salariés, avec l’intervention d’un fonds de dotation et d’un fonds à impact. Cette approche est nommée « capitalisme utile et responsable ».
RSE comme vecteur de performance
François Guérin préfère parler de « ligne de crête » plutôt que de « compromis » entre les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Pour CETIH, la RSE, lorsqu’elle est placée au cœur du modèle, est un vecteur de robustesse et de performance. Il insiste sur le fait qu’il est possible de conjuguer performance économique et prise en compte des enjeux, à condition de maintenir une vigilance accrue et d’adopter un pilotage en multicritère.
Le conseil 22S : L’approche de CETIH illustre parfaitement la notion de performance intégrée. Pour votre entreprise, identifiez et pilotez des indicateurs extra-financiers (carbone, eau, social) avec la même rigueur que vos KPIs financiers. C’est la clé pour sortir du seul « monocritère économique ».
L’innovation responsable pour anticiper l’impact
L’industrie est par nature une activité qui consomme et transforme de la matière. Conscient de cette réalité, François Guérin privilégie le terme « entreprise responsable » à celui d’entreprise « régénérative », qu’il juge souvent associé au greenwashing et difficilement atteignable, même à 30 ans, pour une industrie manufacturière.
Être responsable, c’est transformer en permanence pour réduire ses impacts et respecter les limites planétaires et les fondamentaux sociaux.
Le business plan carbone (BP Carbone)
CETIH s’est doté de deux centres de R&D (portes et fenêtres) avec un responsable des éco-innovations. Mais la véritable innovation est l’intégration d’un « BP Carbone » chiffré, avec un objectif de réduction de -40% de l’impact carbone sur les 6 à 7 prochaines années.
Pour garantir cet alignement :
- Le Directeur de la finance s’appelle désormais Directeur de la Finance Durable.
- Il pilote la performance financière et extra-financière, challengeant les équipes sur des indicateurs comme la consommation d’eau.
Production durable & accessibilité des prix
Comment concilier durabilité et accessibilité ? L’exemple de Patagonia montre que le vertueux peut être cher. CETIH y répond par la diversification des gammes. L’entreprise propose des produits allant du très simple et abordable, mais toujours de qualité, à des produits haut de gamme.
Pratico-pratique : La stratégie de CETIH n’est pas dans l’excès technologique. Elle utilise un mix de high-tech et de low-tech et adopte le principe de « pas de science sans conscience ». Avant d’intégrer une technologie coûteuse (comme des produits connectés) demandez-vous : répond-elle à un usage fondamental ou n’est-ce qu’un « gadget » ?
Le management responsable comme pilier de l’engagement collaborateur
L’engagement des collaborateurs n’est pas un « décret » mais une conséquence de l’alignement entre ce que dit l’entreprise et ce qu’elle fait.
La gouvernance par le lien social
La culture de l’entreprise est centrée sur la proximité et la transparence. L’entreprise s’inscrit dans une logique de post-croissance : la croissance n’est plus un objectif en soi, mais une conséquence de l’amélioration de la performance (financière et extra-financière).
L’implication passe par plusieurs leviers:
- Actionnariat salarié : Un tiers des salariés est actionnaire, se sentant ainsi propriétaire du projet.
- Comité de mission : Il assure la surveillance du respect de la mission et intègre des profils variés : des salariés (sensibilité sociale et environnementale), un représentant du territoire, des chefs d’entreprise engagés…
- Transparence radicale : Tous les chiffres, les résultats, les objectifs sont partagés.
« Les personnes savent tout ».
Cette confiance permet aussi d’accepter les vulnérabilités de l’entreprise.
Préserver l’humain : santé mentale et proximité
Pour la santé mentale et le bien-être, le management responsable est la pierre angulaire. Il s’apprend à travers des formations longues (5 à 6 jours) et s’incarne par :
- « One-to-One » hebdomadaire : Les managers doivent faire un point régulier pour réguler la charge de travail et s’assurer que le collaborateur va bien. Cela permet d’identifier les « signaux faibles » et d’anticiper les problèmes.
- Soutien professionnel : Des assistantes sociales, des référents harcèlement et des référents risques psychosociaux sont mis à disposition pour les difficultés personnelles ou professionnelles.
- Formation à l’alignement : Des formations sur l’alignement de soi et la communication non-violente (appelée « communication sincère et positive ») sont obligatoires pour mieux gérer la complexité et les relations interpersonnelles.
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